vendredi 27 février 2009

"Quand on lui eut coupé le sifflet, Perros se servait d'une ardoise magique pour communiquer avec ses ex-semblables qu'il recrutait au café du port. C'est sur ce carré gris qu'il inscrivait les octosyllabes qui furent toute sa vie et commandait au garçon son rouge ordinaire qu'il aurait souhaité moins bleu..." disait son ami Paul aux yeux de baie des trépassés. " Mais ses interlocuteurs privilégiés vivaient dans sa turne perchée au plus haut de la ville, piétinant livres et lettres, picorant l'aphorisme comme d'autres le maïs en grain. Un beau petit couple toujours à l'écoute du néo-muet qui n'en pensait pas moins. Coq et poule, ses meilleurs lecteurs jamais avares de coups de bec et aux compliments haut-perchés." Le muscadet brillant par son absence son ami Paul leva une main avide en direction du garçon qui obtempéra illico et combla cette basse marée."Pas loquaces les gallinacés du Poulot, plus accoutumés aux silences de leur hôte qu'aux braillements des poulaillers, compagnons chanceux d'un poète pour qui prendre l'air était un métier."    

dimanche 22 février 2009

"Que vois-je?" questionnait son ami Paul brandissant avec véhémence le neuvième de Morrissey " Jeff Beck en personne, sorti de son sarcophage, bandelettes et fender en bandoulière, appelé de la dernière heure pour agrémenter de quelques trilles de passereau une musique qui n'en peut mais, riffant comme un damné, comme à l'époque de sa grandeur avant que Jimmy"hydre de lerne"ne l'eut réduit , guitar jivaro, en pseudo bassiste de peur de l'ombre qu' il aurait pu lui faire d'un arpège solaire, arpège qu'il maîtrisait en Prométhée londonien..." Son ami Paul légèrement essoufflé chercha dans une salutaire gorgée de sauvignon l'air lui manquant puis reprit rasséréné: " ce Page en a brisé des carrières, hydre de lerne ou mante religieuse, il a su conduire sa barque..." Pensif et assoiffé son ami Paul murmura alors: "Charon, peut-être..." 

vendredi 20 février 2009

"Imaginez la bobine de Sam" lui disait son ami Paul " lorsqu'il reçut cette carte de visite où un dénommé Godot avait simplement griffonné: j'arrive! " Le temps d'en déglutir une gorgée et posant son verre sur la table ronde, petit monde bordé de laiton brillant où trônait le bienheureux sauvignon, son ami Paul reprit: " Regard vers ses chaussures et main barrant le visage, Sam au comble de la perplexité, que faire?, que croire?, et s'il existe ce bougre de Godot qu'en faire quand il sera dans ses pattes?..." Jetant un regard sur le monde et son laiton et découvrant le gouffre béant de l'absence de tout sauvignon, son ami Paul héla le garçon, qui, à peine remis d'un séjour piscine-buffet à volonté sur une île grisâtre et peu lointaine mais à un tarif très low-cost , s'empressa de combler cet immense vide.  

mardi 17 février 2009

Son ami Paul serrait en son poing une missive qu'un collectif flou se nommant " sauvons winnie l'ourson" lui avait envoyée en réaction à ses propos pourtant mesurés  concernant les rapports Jagger-Jones et leur dégradation due à la courte vue dudit Jagger relayé dans cette voie par Keith Vuitton Richards qui sans coup férir provoquérent la fin que l'on sait du regretté Jones retrouvé flottant dans une piscine fraîchement creusée et dans laquelle, pourtant, le susdit duo Jagger-Richards avait coutume de faire impunément trempette. Son ami Paul lui lut quelques lignes de cette lettre de peu de profondeur contrairement à la dite piscine où s'abîma le corps de Brian." Vous n'avez pas le monopole du coeur, monsieur le censeur bonsoir !" lut son ami Paul, ajoutant "j'en passe et des meilleures..." regardant flotter à la surface de son verre de sauvignon un glaçon arrivé là par hasard, météorite translucide cognant la paroi fragile comme était fragile ce coeur d'artichaut de Brian. Il n'eut pas l'audace de lui demander ce que venait faire winnie l'ourson dans cette maudite piscine.

samedi 14 février 2009

Il marchait, soif d'ombre, faim de poitrine de veau  comme monsieur Songe qui la préférait pourtant farcie tout en déplorant cette preuve de gourmandise injustifiée. Il marchait, mea culpa sur mea culpa puisqu'il était question de poitrine, de confession, de marche et de chapelet. Bonheur de se savoir ailleurs que là où on se trouve, bonheur de ces exercices simples qu'on pourrait nommer exercices de délocalisation si le terme n'était pas aussi réducteur, coercitif. Bonheur de la marche qui ne demande pas grand chose au corps sinon d'accepter enfin de progresser, d'aller de l'avant. Bonheur de la marche quand, de brume en brume, la ville s'efface, quand la conscience subaiguë de cette disparition fatigue et contraint le marcheur à un arrêt subit où, désir et regrets se mêlant, s'impose alors un repli et qu'aussitôt la brume se dissipe. La ville revenue, le marcheur quitte monsieur Songe. 

vendredi 13 février 2009

"Savez-vous où se trouve votre chapeau, cher ami?" demanda l'amie de son ami Paul tandis qu'elle se saisissait d'un cube de margarine et d'un rouleau de feutre gris. Gardant un oeil sur son Malone, son ami Paul répondit que rien ne l'intéressait moins que l'emplacement supposé de son chapeau, que sa lecture était en ce moment précis sa préoccupation principale, que son équilibre mental dépendait expressément de la non-pose de telles questions, que de toute manière ce chapeau lui appartenait et que ce couvre-chef lui était comme gâteau à Marcel et que on y touchait pas. Il s'étonna ensuite de la présence du cube de margarine et du rouleau de feutre et bien vite reprit Malone là où il ne l'attendait plus. "Mais alors" objecta l'amie de son ami Paul "Comment j'installe, moi, très cher, comment puis-je installer sans chapeau, ...." Puis plaintivement elle ajouta " Vous n'aimez pas Buisse, alors, vous êtes un béotien, un inculte..."Beuys" hurla son ami Paul qui sortit chaussant son béret.

jeudi 12 février 2009

"Je progresse, docteur, je progresse" disait son ami Paul au réputé docteur Pimply, " je connais désormais et, ceci grâce à vous, une vie onirique sans réticences ni tabous, je connais des nuits de grand apaisement où je me sens libre et puissant, je revis glissant le signifiant sous le signifié, errant de métaphores en métonymies, je déguise et transgresse ..." continuait son ami Paul, qui, étonné du silence du réputé docteur Pimply, se tourna vers lui et le vit profondément endormi, un discret sourire barrant son visage. Son ami Paul, un peu excédé, empoigna un tome des séminaires posé sur la table et le projeta violemment sur la moquette épaisse et feutrée du cabinet "déco" du réputé docteur Pimply qui, soudain, s'éveilla. Evitant une volée de flèches expédiée par les partisans du grand chef Aigle Noir, le réputé docteur Pimply menaça "Je t'aurai, Aigle Noir (Black Eagle), je t'aurai mort ou vif !.." puis , doctement, il ajouta: " mmmh..." 

mardi 10 février 2009

"Regardez les deux tourtereaux dans leur lit, couvertures et oreillers en bataille et le rebelle en pyjama à rayures col haut fermé, bien serré contre la croque-notes qui sourit à la cohorte de journalistes entourant le lit..." disait son ami Paul en lui montrant une photographie prise à Amsterdam en 1969 lors de ce piteux bed-in for peace, éphémère installation dont la croque-notes avait le secret et qui n'eut pour effet que de ridiculiser un peu plus Lennon dont le regard perdu sur le cliché fait mesurer à qui veut bien le voir la profondeur du gouffre où le précipite la vacuité de l'esprit de la mièvre Ono. "Et sur la couverture" ajoutait son ami Paul, "comme un criquet attaché à un long fil, le micro qu'un avide reporter a disposé afin d'enregistrer de si tristes ébats..." Affligé son ami Paul se remonta d'un sauvignon frais comme il sied et termina:"Dylan et Baez, ça avait une autre allure..." 

lundi 9 février 2009

Son ami Paul avait le jugement gracile, balayant d'un coup de manche tous les ismes qui encombraient son existence, parasites et provocateurs d'urticaires...Il ne perdait plus son temps à suivre les sycophantes dont la seule ambition était de troubler un peu plus les eaux saumâtres du marigot. Il ne désirait plus aucune explication, plus aucune justification, pas de jugement non plus, taoïste de comptoir il attendait le sauvignon comme d'autres le messie, à la seule différence que celui-là lui était apporté sur un plateau, alors que celui-ci était le plateau.