mercredi 29 avril 2009

"Etrange lettre que celle que Kafka rédigea à l'intention d'une petite fille qui avait perdu sa poupée et qu'il trouva en larmes dans un parc de Prague où il aimait flâner "  lui disait son ami Paul, "rien à voir avec la lettre au père, une lettre légère aux mots de plume qui s'envolent pour un long voyage, une courte lettre pour un long adieu dans laquelle le praguois tente d'expliquer à la petite fille la raison de la disparition de sa poupée..." continuait son ami Paul, " il racontait dans cette lettre les aventures, les amours, les voyages, le banal de la vie d'une poupée s'étant fait la malle..." Après un silence entrecoupé d'une gorgée de sauvignon, son ami Paul poursuivit: " Finalement pour en justifier la disparition, notre Kafka maria la poupée, trouvant dans un quartier de Prague un époux assez fou pour convoler avec un tas de chiffons... Triste fin de l'histoire, mais dont la petite fille fut satisfaite voyant dans cet épilogue l'espoir d'une nouvelle vie, alors que notre Franz y voyait une façon de mourir..." Lachant quelques bretzels, le garçon dit à son ami Paul: " Me parlez pas de Prague, deux  jours-trois nuits de pluie..."   

mardi 28 avril 2009

Son ami Paul, trois dialogues à la main, songeait à Bram et au soufite Al-Hagg que convoqua Sam au détour d'une page quand il s'interrogeait sur le regard que posent les promoteurs immobiliers sur le monde ainsi que sur les orgies franciscaines de Tal Coat, ci-devant géomètre de la toile en charge de l'abstraction comme mode de locomotion de l'esprit. Ce jeu de cache-cache avec le réel avait l'avantage de ne pas brusquer la réflexion et de laisser tout le temps nécessaire à l'élaboration d'inutiles théories dont la matière était rapidement soluble dans le whisky. Qu'à l'occasion on y retrouve de l'artiste peintre, qu'importe... Toutes les opinions sont bien entendu défendables, ce qui dérange c'est la manie qu'ont les aveugles d'imaginer ce que veut exprimer le peintre quand il est prouvé qu'il n'est pas nécessaire d'y voir quand on se sait en proie à l'illusion... Suis-je assez clair? se demanda son ami Paul que le garçon abreuva d'un sauvignon réparateur à l'instant où le doute prenait le dessus... "Et vous, que pensez-vous du soufite Al-Hagg ?" demanda son ami Paul au garçon, qui sans hésiter répondit avant de prendre le large: " Oh! moi, ce que j'en dis des mamlouks... "     

samedi 25 avril 2009

"J'ai un compte à régler avec ce chat Sigmund " répétait l'amie de son ami Paul le corps drapé dans un morceau de feutre gris, un triangle attaché à son cou par une ficelle et tenant une canne  haut levée. "Qu'on m'enferme en compagnie de ce félin, symbole de l'oppression, coyote putatif, animal à l'esprit supérieur et au corps persécuté..." continuait-elle le chapeau noir de son ami Paul sur le chef. Celui-ci découvrit alors son amie enfermée dans la cuisine, assise devant le chat Sigmund terrorisé par un être enfeutré brandissant avec entrain une canne (eurasienne?) et rythmant le tout de malingres notes issues du triangle susnommé. On entendait au loin la sirène d'une ambulance... "Ah! l'aura"... songea le chat Sigmund son ça perché sur la gazinière... " quel cirque! " osa son ami Paul " quelle performance!" dit son amie. 
"there is too much on my mind, and i can't sleep at night thinking about it" chantonna son ami Paul presque goéland.    

vendredi 24 avril 2009

Son ami Paul était occupé à relire quelques pages de son propre (?) journal intime ajoutant à la vanité de l'écrivain celle du voyeur de sa propre (?) chute ce qui, semble-t-il, rendait encore plus maussade celui qui, tel l'hésychiaste moyen inclinait son regard vers son ombilic démesuré y quêtant le souffle d'existentiel qui aurait pu inverser le cours calamiteux de son humeur en berne. " Ombilic des limbes" se dit-il "lombric imbécile" continua-t-il sur le même ton au point d'affoler le garçon qui soudain hésita entre samu et sauvignon, bretzels et massage cardiaque pour finalement se résoudre à alimenter son ami Paul d'un verre salutaire d'un sauvignon ultima terra dont on lui dira des nouvelles. Son ami Paul ferma son carnet, songea un instant à s'embarquer pour Cythère, puis ayant goûté l'ultima terra se fit à l'idée de délaisser ombilic et rêves les plus fous pour, après un long soupir, réclamer quelques bretzels. " J'essaie de faire pour le mieux..." se dit-il, un maigre sourire éteignant son visage.  

jeudi 23 avril 2009

"Ah! la voix lointaine de Nico sur la musique de son grand blond d'amant, son dr dream plus héros qu'elle, simplement héroïnomane, velvetienne..." disait son ami Paul "... pour finalement finir en icône tombée de son vélo ...." poursuivait-il "...souhaitant que tout finisse, que tout s'évanouisse..." Sur ces mots, son ami Paul posa un regard de taupe, ou d'autre machine moins molle, sur la table où brillait l'absence de tout sauvignon pour en demander un troisième (third) au garçon absorbé par la lecture d'une lettre reçue d'un ami rencontré lors d'un séjour aux Canaries dans laquelle celui-ci commentait les quelques photos jointes où celui-là apparaissait déguisé en roi lion, autre icône qu'on pousserait volontiers au ravin tant elle encombre l'esprit des gens simples et le paysage des esthètes. " Et la bretzel, " tonna son ami Paul " elle est en poste restante?" exprimant par là une saine colère qu'aucun docteur dream ne pourrait apaiser. 

mardi 21 avril 2009

"Une petite trompe préhensile comme en ont les tapirs nocturnes..." disait son ami Paul cherchant son crayon tombé de ses mains, désormais sur le sol, absent." Comment mieux saisir cette absence, ce voilà jamais, ce voilà rien qu'on suppose et qui s'enfuit..." continuait-il l'humeur malonique." Brimborions que tout ça..." dit-il en vidant son verre de sauvignon, " qu'importe le crayon, son usure et sa mine, qu'elle soit dure ou ne le soit pas, qu'importe ce qu'écrit le crayon, ce qu'il efface..." Soudain à flot, son ami Paul s'adressant au garçon demanda avec une certaine impatience " un asti spumante et subito! " "Spumante?" interrogea le garçon n'ayant jamais franchi le Saint Gothard, "frizante plutôt!" précisa son ami Paul."Frizante?" dit l'autre, toujours du mauvais côté du tunnel. "Un sauvignon et basta!" termina son ami Paul à l'humeur décidément transalpine.        

samedi 11 avril 2009

Plongé dans une vie ordinaire, son ami Paul avait la mine hauturière des marins longtemps éloignés de leur terre..." préférait regarder l'envol des mouettes, la mer en chaleur se crever les yeux sur les rochers..." murmurait-il songeant aux chats de Perros sautant de livre en livre et lui de lire ceux où les bretons félins avaient posé leurs pattes. " Autre façon de juger les livres que celle de nos critiques patentés dont l'unique critère réside dans le graissage de patte, ce qu'aucun chat ne supporterait... De quoi faire tourner le lait de Baudelaire " termina son ami Paul, se demandant si le bretzel n'était pas à l'Alsace ce que la crêpe était à la Bretagne, une façon d'éponger le muscadet quand le garçon, peu géographe, se mit à lui raconter avec gestes à l'appui l'onirique son et lumière bourré de chouans et dégoulinant de néo-poujadisme tendance vendéenne all included dans son séjour 2 jours-3 nuits " dans les pas du grand Philippe" généreusement offert par ses collègues à l'occasion de la remise de sa médaille du travail. " 20 ans de sauvignon, ça mérite bien ça ! " dit le garçon, infligeant au guéridon de son ami Paul un coup d'éponge salutaire avant d'y déposer bretzels et sauvignon. " Seul inconvénient" ajouta le garçon "les couvertures ne sont pas fournies , et le soir en Bretagne c'est pas la chaleur." "mmmh..." fit son ami Paul reprenant Perros et ses chats.        

jeudi 9 avril 2009

Son ami Paul feuilletait les pages du catalogue de l'exposition de l'excellent François Dilasser, ex marchand de couleurs en gros, devenu sur le tard le peintre qu'il a toujours désiré être. Gisants aux corps de pierre, bateaux-feu aussi rouges que des flammes, mains aux allures d'arbres, arbres comme des mains...Et si proches l'océan, les phares et le vent, la tempête... Regardant avec attention une des nombreuses planètes que le breton s'inventait, une planète bordée de jaunes intenses et de rouges méticuleux, son ami Paul murmura "ça, c'est peint" tandis que d'en haut le garçon lâchant deux sauvignon ajouta " mon fils de deux ans " car le malheureux trimballait partout cette merveille bavante et hurlante une fois son service terminé," mon fils de deux ans, il en fait tout autant" Ce qui eut pour conséquence immédiate un froncement des sourcils de son ami Paul suivi d'une fermeture étanche dudit ami Paul ainsi que l'huître du Morbihan. " Vous avez enfanté un génie..." dit l'huître, songeant aux navrants dessins d'enfant souvent moins navrants que certain dessins d'adultes, devrait-on dire de parents? Suavement son ami Paul termina son sauvignon à la santé du peintre breton dont le pinceau, souvent, était un tournevis.   

mercredi 8 avril 2009

" Vermifuge Lune, Marie-rose, Fantomas, le typhus a bon dos qui fit taire Desnos" disait son ami Paul subitement dans l'orbite surréaliste quand tout autour de lui avait la pesanteur d'un bombardier filant dans l'abîme de la nuit. " Les deux étudiants tchèques qui  trouvèrent le moribond près de Terezin ne purent sauver cet homme de belle compagnie... Rien à voir avec les thuriféraires du grand vide qui nous envahissent et nous assomment..." Pendant que son ami Paul songeait aux navires à l'ancre dont on peut couper la corde, le garçon, au plateau chargé de deux sauvignon et d'une assiette de bretzels, trébucha sur le chat Sigmund qui s'enfuyait un croque dans la gueule qu'il avait pris pour la souris Steinbeck, ce qui provoqua la chute des bretzels qui eurent dans l'air léger un envol ralenti comme un piccoli dans un film de Claude Sautet. Accompagnant du regard la chute des bretzels, son ami Paul prononça à voix basse ces quelques mots "et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue seul comme le verre..." avant de réclamer haut et fort le sauvignon périlleux. 

dimanche 5 avril 2009

" Ah! cet André Breton, quand cessera-t-il de se prendre pour le messie, quand aura-t-il autre chose sous la casquette que cette vanité de gonfleur de lys...? " interrogeait son ami Paul, qui continuait " ce grand excommunicateur pseudo-communiste puis mexico-trotskiste puis grand prêtre vaudou, puis..." Sauvé par le sauvignon, vin positivement et définitivement dada n'en déplaise aux tenants d'un surréalisme de comptoir où le sous-bock devient subitement coquille de dentelle ayant la forme parfaite d'un sein ( mais où va-t-il chercher tout ça, se disait in petto son ami Paul pourtant lecteur assidu du grand tamanoir ) " Vous ne lui trouvez pas un certain dépôt à ce sauvignon, un ballet de mouches blanches jouant les ludions ?" demanda son ami Paul contaminé par la musique bretonienne si éloignée des casse-oreilles celtiques, de tous les casse-oreilles puisque musique au sortir des tunnels de sanglots, bref, pensa son ami Paul, nous manque un homme de cette trempe quand on nous inflige tant de polichinelles, et de toutes couleurs, ajouta-t-il, (un instant de démesure pardonnable dans ce délire qui fait notre oxygène). "Un fleuve de rêve se traverse à bord d'une barque de buée.." termina son ami Paul examinant les ludions de son rousselien sauvignon.       

samedi 4 avril 2009

"Que faites-vous avec cette voiturette de marchande des quatre saisons?" demandait son ami Paul à son amie qui, arborant culotte et gants de boxeur, protège-dents et peignoir doré, poussait une voiture remplie d'exemplaires d'une revue intitulée "jamais", revue non conformiste que l'amie de son ami Paul avait confectionné à son atelier d'expression artistique, avec l'aide d'un certain Sébastien Melmoth, animateur éclairé de stages pour artistes provinciaux au cours desquels l'amie de son ami Paul se perfectionne dans ce domaine sans concession de l'art métabolique, variété exotique de l'art amphètaminé lui-même issu de l'art ostentatoire que ce bon Delteil commua en art préhistorique, lui qui s'y connaissait en poésie. Bref, songea son ami Paul, tout ceci manque de cette ligne agile et libre qui fait la beauté du moindre gribouillis de Matisse ou de la moindre mirlitonnade de l'Irlandais maussade dont il feuilletait avec avidité les pages de son Malone." Vous allez prendre froid" ajouta son ami Paul pour dire quelque chose. " Je ne prends pas froid, cher ami, je crée, ceci est une performance intitulée en route pour le golfe du Mexique et sous-titrée nous avons retrouvé Arthur Cravan..." Son ami Paul murmura: " Poor Arthur, reste où tu es " et reprit son Malone.    

vendredi 3 avril 2009

Bram rêvait des toiles de Rembrandt, de leurs mystères, de la destruction toujours présente qui les rapproche du vrai, de l'absence de surnaturel qui les ancre dans la vie, de cette vie de forçat qu'est une vie de peintre, de ses yeux qui voient l'instant et qui s'aveuglent juste après.
Rester toujours du côté du vrai, avoir le pouvoir de ne jamais se tromper, devenir inattaquable, respecter le vol de l'épervier... Quand Bram parle, il parle de Sam et reprend courage, retrouve son chemin, il dit son Sam tandis que Sam peint son Bram. Deux murs qui font que rien ne s'écroule, que la terre est contenue, le paysage à sa place... Un jour la fille de Matisse donna à Bram un manteau que son père ne portait plus. Bram ne le quittait pas. Pour avoir chaud, plutôt que par admiration pour l'homme aux bras plus longs que lui.      

jeudi 2 avril 2009

"R. Mutt ou Rrose Sélavy, peu importe..." disait son ami Paul revenu des toilettes," Duchamp n'avait qu'une préoccupation, en rajouter, en remettre  sans cesse une couche comme le plus rusé des polissons, copieur non conforme il s'y entendait en mystifications et en énigmes." Se gratifiant d'une copieuse rasade de sauvignon, son ami Paul continua: " Nous manque aujourd'hui ce type de détonateur, de dénaturaliste, de détourneur,  de détrousseur..." Aprés une courte bouchée de bretzels, son ami Paul au sourire de joconde ajouta "On ne peut en vouloir à quelqu'un qui attache les sapins de noël au plafond de manière à laisser plus de place au sol pour les cadeaux ." Le garçon habillé descendait l'escalier en sifflotant une piètre rengaine marquant la mesure de son plateau saturé de sauvignon où tressautaient quelques bretzels tels des haricots mexicains. Son ami Paul ne lâchait plus Duchamp "... a passé sa vie à chercher la formule d'une potion  qui lui aurait permis de jouer divinement aux échecs..." Le garçon essuyant la poussière du bar parlait à un habitué un peu confit: " Vous voyez, aux Canaries, ce qui me plaît, c'est qu'il faut chercher longtemps avant de trouver un maussade..."