lundi 23 novembre 2009

"Un mille-pattes..." disait son ami Paul, "c'est avec un mille-pattes que Bill Evans apprit le piano, les accords complexes et tout le saint frusquin, parce que Bill, c'est du sacré, du sacerdotal, de la musique qui s'élève et, volute, s'en va trouver qui vous savez là-haut, l'embusqué qui, narquois, attend le prince qui ne vient pas..." Le garçon, tout ensauvignonné, s'approcha et, interrogatif leva le sourcil, signe qui ne trompe habituellement pas son ami Paul, mais celui-ci, un peu las de toute théorie s'ensauvagea dans des pensées vagabondes et lâcha subitement prise et Bill Evans mais d'un réflexe fondamental happa le verre et le lappa métonymiquement... " Vous savez " termina son ami Paul "on ne sort pas indemne des décombres de Kind of Blue..."   

mercredi 18 novembre 2009

"Le prix Goncourt" disait son ami Paul "cela ressemble à une corrida, les lecteurs au vert pendant une année dans l'attente du grand jour, puis passant d'ombre à lumière, humiliés par de tristes picadors, éreintés par les véroniques de preux matadors, mis enfin à mort, viande sanguinolente sur le sable de l'arène..." continuait-il alors que l'ami de son ami Paul semblait légèrement troublé par la démonstration de celui-ci qui ajouta" l'éditeur c'est le matador, l'épée la plume de l'écrivain et dora la puntilla! le taureau n'a plus qu'à lire ce qu'on lui jette comme un coussin d'aficionado" ce qui n'eut pas le don d'éclairer la lanterne de l'ami de son ami Paul qui, après avoir demandé un verre de Rioja précisa sa pensée " de la littérature pour bétail servile, des livres de foin..." Après un long silence un peu andalou son ami Paul se leva, droit comme une poésie verticale et lança à son ami "devriez lire Juarroz..."

lundi 16 novembre 2009

"C'est parce que je suis bègue que je suis acteur, j'aurais été manchot je serais devenu peintre" lisait son ami Paul dans un livre commis sans crier gare par un Valère que les planches brûlaient, un Valère sans vergogne dont les obscures origines hongroises confortaient dans son hermétisme que de rares exégètes gouttaient comme vin de messe ou vin de l'étrier, vin des sages ou vin de littré que les buveurs tiennent comme la route, sans coup férir." Garçon.."héla son ami Paul " Tokay et vite, je suis homme de vin que diable, je suis ainsi fait que le gosier me commande..." Puis se levant et prenant posture d'homme de paroles au point que du café les habitués s'interloquèrent " Fissa, petit, que le breuvage m'agrée et que je m'en irradie veines et veinules, qu'aucun des tréfonds de ma carcasse n'en fut exempté au motif que le monde crie grâce comme vous criez grâce, belettes d'estaminet." Après un silence lourd comme un roman à la mode qu'on noierait bien en y accrochant l'écrivain à la mode l'ayant commis, son ami Paul reprit sa place et son silence vite troublé par le garçon " désolé, monsieur Paul, pas de Tokay, je n'ai pas été livré..." Un sauvignon ayant fait l'affaire, son ami Paul lâcha Valère pour Perros y trouvant Philipe qui s'y entendait en brûlure de planches.      

 

vendredi 6 novembre 2009

"C'est avec my song et sa pochette roots ainsi que grisâtre que Keith Jarret est vraiment entré dans la cour des grands..." disait son ami Paul tandis que le garçon, passant par là pour se délester de sauvignon et bretzels y alla d'un "caisse charrette?" Son ami Paul continua nonobstant cette remarque " on y entendait souffler un petit gars qui cassait la baraque" Le garçon repassant par là exprima le fond de sa pensée" au bas mot c'est son cinquième verre, monsieur Paul se laisse dériver..." Poursuivant sa démonstration son ami Paul enchaîna " Et Jarret lâchant ses notes comme une averse de pluie, des pétales de fleurs de cerisiers, ce n'est pas avec un chat qu'il apprit le piano, c'est avec Fred Astaire..." " gobaille!" asséna le garçon présentement jaggerien tendance dubuffet. Légérement dérouté son ami Paul abandonna Jarret et Garbarek et reprit Arno Schmidt là où il l'avait laissé.

mercredi 4 novembre 2009

"Il faut canoniser Chappaz..." disait son ami Paul "La Suisse a tant donné pour le Vatican qu'il est grand temps de renvoyer l'ascenseur ce qui pour un pontife ne semble pas d'une grande difficulté..." continuait-il absorbant tout de go un verre de lacryma-christi tout de douceur suave ou inversement, qui loin de tout sauvignon lui ouvrait toutes grandes les portes du grand sud italien où l'on sait ce que prier veut dire. " Le béatifier d'urgence quand tant d'autres bêtifient alignant les pages comme s'alignent veaux en batterie..." ajoutait son ami Paul que la poésie du valaisan rendait morose comme fut ce Maurice dont la vie ne fut qu'errances et attentes: une trajectoire de fourmi à la recherche de quelque mie de pain. " Saint Maurice du Châble..., ça aurait de l'allure." termina son ami Paul songeant à Montreux que Zappa enflamma.