vendredi 26 février 2010

"L'homme qui marche..." disait son ami Paul, " cherchant son dépeupleur dans sa fuite vaine et épuisante..." Sirotant du blanc reprit l'ami Paul sa réflexion, son chapitre: "L'important c'est le chemin, la trace... Dans quel sable marche-t-il l'avançant et sa valise que contient-elle, si lourde que son épaule s'abaisse, son corps se tord? " Claquement de langue et commande au garçon d'un verre plus tard son ami Paul continue " Du sable, de la matière de ce temps qui passe et repasse, le sablier avant la cognée, la fin au début mêlée, de quoi se perdre dans l'espace, tourner en rond pour en finir avec le rectiligne, trébucher finalement, faire le faux pas qui sauve et révèle ce qui vit sous les pieds..." Ses yeux dans le vague aussi vague que la haute mer de Dilasser, suspendus comme le sont ses fragiles planètes, son ami Paul conclut "Après tout, cet homme qui marche ce n'est qu'un morceau de ferraille que la rouille dévore..." 

vendredi 12 février 2010

"Bon" disait son ami Paul, " sans le rouquin Baker, Samson François des baguettes, qu'aurait été ce Disraeli Gears, un zeppelin boursouflé qui une fois grimpé au sommet des charts se serait dégonflé lamentablement ..." continuait-il agitant le rubicond opus en question manière de rappeler au garçon qu'un verre vide se doit d'être rempli sans tarder, ce qu'obtempéra le loufiat qui de Jack Bruce avait la corpulence d'ablette mais non la fender bass que celui-ci maniait en virtuose quand celui-là le faisait d'un plateau cabossé où s'entrechoquaient les ballons puisque de ballon il fut question. " L'Eric avait le complexe du Page, complexe du manche consistant à balancer des soli sans cesse et à riffer en tous sens sans vergogne pensant que l'abus de stridences en aucun cas ne pouvait nuire..." Revenant à son rouquin, son ami Paul précisa le fond de sa pensée " C'est Baker qui pétrit l'ensemble et lui donne forme, cailloux sur le chemin que les deux autres ramassent comme ils le feraient de pépites qu'à leur insu ils distillent..." acheva son ami Paul qui tournant la page demanda, à la surprise du garçon, un café-crème bien serré.

 

jeudi 4 février 2010

" Encore pas le benêt body buildé qui se pavane le nombril à l'air en poussant la chansonnette..." disait son ami Paul contemplant avec nostalgie une photographie datant de 1976 prise dans une rue de Berlin (ouest?) bien avant la chute de Rostropovitch dont l'archet fit trembler la pierre au point de transformer l'oeuvre rectiligne et séparatrice des artistes honnegeriens en tas de gravats sur lequel trônait le violoncelliste y allant d'un beethovénien couplet dont la symbolique datée échappait à son ami Paul qui poursuivit " Esther Friedmann très sylviaplathienne aux côtés d' Iggy, ça pose la pose, profondeur du regard, charme du sourire, silhouette serpentine, elle tire la couverture à elle repoussant l'Iggy dans les cordes où il s'empêtre..." Une gorgée de Sauvignon plus tard son ami Paul ajouta " Que dire de la 4L garée derrière le couple quand on y attend la Trabant coutumière...."  

mercredi 3 février 2010

"Un musée portatif..." disait son ami Paul, " une valise dans laquelle on aurait entassé les reproductions réduites des oeuvres des grands maîtres, des feuillets désordonnés, des papiers collés..." rêvait son ami Paul soudain perrosien, Dilasser alors n'était pas loin, la Bretagne, les vents mauvais, les cieux bas et lourds, le couvercle, Bram,  toute l'engeance que son ami Paul transportait dans sa valise, sauvignon y compris. " La valise de Duchamp, parfait résumé d'une oeuvre qui ne demande qu'à disparaître, qu'à se transporter ailleurs, vers un ailleurs sans pesanteur, un monde d'aveugles qui reposerait enfin le peintre, lui permettrait de peindre pour qu'enfin on y regarde pas, le bonheur..." souriait son ami Paul qu'une soudaine bouffée d'allégresse soulevait un peu de sa chaise, ce qui fit dire au garçon " ça y est monsieur Paul va s'envoler avec son pigeon..."

lundi 1 février 2010

" Cher ami," disait l'amie de son ami Paul "qu'avez-vous fait de vos mitaines?" questionnait-elle, avachie devant le piano,  inconfortablement assise sur une chaise surbaissée, menton sur les genoux, parvenant avec peine à poser ses doigts sur les touches du crapaud dont elle tirait des plaintes dissonantes que son ami Paul, ayant pris tout d'abord pour des coassements, s'était résigné à considérer pour les notes d'une partition qu'il ne parvenait pas à reconnaître malgré une bienveillance étonnante de sa part due à une légèreté d'esprit qui néanmoins s'alourdissait quelque peu à mesure de l'accumulation des mesures que soulignaient discrètement les chantonnements de son amie. " J'adore ce quodlibet, je m'y éclate! " commentait l'amie de son ami Paul qui, Malone en main tentait une manoeuvre d'évitement " Quel chef d'oeuvre que ces variations Goldmann ! " continua-t-elle tandis que son ami Paul y alla d'un "Berg " tonitruant. 
" Quel génie que ce Glenn Gold !" termina-t-elle massacrant une aria comme si elle écrasait une mouche... " GOULD " hurla son ami Paul, jetant son minuit qui délogea la partition de son amie. Soudain on entendit la musique de John Cage. " Je rêve " murmura son ami Paul.