dimanche 20 mars 2011

"Soliloquer, la meilleure façon de ne pas être contredit et de filer du concept comme d'autres la laine sans crainte des questions embarrassantes... histoire de mettre la charrue avant la boue et d'y poser les semelles, d'y laisser l'empreinte zébrée, l'indice pour Dupin. Logique desséchante mais qu'y faire, le mystère a bon dos quand il envahit le quotidien..." Ainsi relisait son ami Paul les pauvres feuillets de son journal, insérant entre chaque paragraphe un petit cercle qui faisait Pinget, pensait-il, bulle sur le papier comme preuve de son existence... de son insignifiance.

mardi 15 mars 2011

Le gésier et la rate détachés du corps, des notes qui s'envolent et se transforment en nuées mélodiques, les cieux sont alors traversés de ces presqu'oiseaux, des indices pour ceux d'en bas. Il se passe quelque chose là haut, dit-on alors, ça écrit, ça exprime, donne à réfléchir et pourtant s'envole, suit le cours du vent, s'éloigne jusqu'à l'infiniment petit, le négligeable... Ainsi va le destin de ce qui s'écrit et n'a pas de destinataire, des morceaux de corps qu'il est impossible de reconnaître puisque la reconnaissance ne s'embarrasse plus d'écrivains, sa préférence allant à l'écrivaillon, à la complétude, à ce qui ne s'envole jamais.

vendredi 11 mars 2011

Le livre s'écrivait à mesure de sa lecture, à moins qu'il ne s'effaçât à cette même mesure de sorte que ne subsistait de ce roman que les quelques mots cachés sous les doigts du lecteur qui lui-même vieillissait au fil des pages de l'ouvrage connaissant la fin du livre avant de l'avoir commencé, à moins qu'il ne rajeunît à sa lecture de sorte que ce roman n'existait pas à cet instant. Que lire alors qui fût intemporel? Dans quel sens faire tourner le cosmos quand tout se complique et que l'aiguille de la boussole s'affole et que tangue la barque où se pressent les malone et que le bord s'éloigne et que le fleuve n'est plus le même et que tout a disparu?

mardi 8 mars 2011

"Saviez-vous qu'André Breton dormait dans des draps de satin noir ? " interrogeait son ami Paul "et qu'il en broyait tant ses rêves le préoccupaient, toujours hésitant entre veille et sommeil pour ne rien rater de ses oniriques fusées..."Un instant préoccupé par la présence d'un corps étrange au sein de son sauvignon ( poisson insoluble?) son ami Paul embraya " C'est la destinée des poètes d'avoir sommeil léger et rêves pondéreux, oublieux du passé ils s'entichent de futurs à leur mesure qui ressemblent à ce qu'ils vivent, déformant leur image au fil de leur plume qui, telle la pique de quichotte s'émousse et leur échappe, traçant sur le papier des géométries où ils se perdent."Songeur à son tour, son ami Paul continua "Belle entreprise que cette rage à épuiser le temps..."

samedi 5 mars 2011

Quel intérêt à se coltiner du Beckett, à s'escrimer à déchiffrer les brûlots deleuziens, à cheminer dans les déserts minés de Pinget, à s'user les pupilles sur la prose proustienne, à s'abrutir d'énigmes borgesiennes, à brouter du Calaferte, à fouler les friches chappaziennes, à se perdre dans la sylve michalcienne... Nul besoin de petits cailloux, de repères au bord de la route, pas nécessaire non plus de rechercher l'aide de son prochain... Suffit de se regarder le nombril, c'est ainsi que naissent les actuels chefs-d'oeuvre qui boulottent notre oxygène et dont les pages empyreumatiques tournent comme moulins au mauvais vent.

vendredi 4 mars 2011

Plongé dans de noires réflexions, son ami Paul avec la négligence des irréductibles lève le Sauvignon comme chapelain le calice célébrant par là un peu pieux office dont il est le seul fidèle ce qui lui chaut si peu tant il s'est accoutumé à la désertion de ses ouailles, à leur inexistence. Vitupère en silence, peste in petto... échafaude, théorise sa rage ce qui n'a pour effet que de creuser un peu plus le gouffre le séparant de ses semblables auxquels il ne pardonne rien, pas même leur poisseuse promiscuité dans laquelle il ne voit qu'amalgame stérile et circonstanciel. Bref, ça ne gaze pas fort, itaque bruissent dans ses oreilles quelques ritournelles , tournent les pages de ses malone, miroitent les toiles de quelque bacon. Limites d'un monde qu'il sait arpenter quand l'infini du reste le paralyse."On se refait pas" se dit-il, remettant sur le sauvignon son ouvrage tant il s'est approché de l'insondable détresse.

jeudi 3 mars 2011

"Hum..." suggérait le réputé Docteur Pimply, "hum... mais encore... allons donc... et puis..." Remarques frappées du bon sens psychanalytique dont il avait le secret, tandis qu'au sol telle la sibylle de Cumes s'étendait le chien Lacan, carpette sur le tapis, mise en abyme d'une existence canine toute de dévotion envers le Maître, porte parole du Maître, l'abois de son maître..." reprenons..." se décida le réputé docteur Pimply, Parque au fil fragile, pelote de ficelle comme seul discours..." S'agit d'en trouver le bon bout..." asséna-t-il à l'allongé qui y alla d'un "Mais" quasiment interrogatif auquel répondit doctement le réputé Pimply d'un " justement! " qui claqua comme la machoire du chien Lacan occupé à dévorer la Morteau que le réputé docteur Pimply ne dégusterait plus, devenue au digestif ce que le fantasme est à l'esprit ce que résumait le lacanien aphorisme" il n'est jamais trop tard pour une morteau " dont l'inverse prouvait la pertinence de la découverte du stade du miroir puisqu'également plausible. C'était le moment pour l'allongé d'y passer et le billet passant d'une main à l'autre, témoin de papier de l'être caché qui à peine sorti du bois s'y précipitait tant toute cette histoire l'avait lassé. L'homme aux loup retrouvait la femme au lit et le calme de sa forêt, le chien Lacan le sommeil, l'allongé la rue et la réputé docteur Pimply qui s'en fichait, son billet.