samedi 30 avril 2011

"Un cubiste..." disait son ami Paul, " Borges est cubiste à sa manière, armé de ciseaux... Il découpe à tout va, perfore, lacère, un carnivore mêlant prémonitions et suppositions..." continuait son ami Paul qui soudain reconnaissait à son sauvignon les vertus d'un sauvignon déjà bu dont la saveur transposée lui rappelait un futur qu'un autre que lui allait vivre en trempant dans le vin des lèvres qui prononceraient les mots qu'il venait de penser.
" Du cubisme vous dis-je, un fatras de verbes conjugués à la noix histoire de nous emmener là où nous ne voulons pas aller..." termina son ami Paul troublé par Steve Earle qui peut-être s'appelait Townes van Zandt.

vendredi 29 avril 2011

"Ah la peinture familiale, peinture flatteuse d'artistes poussés à la convention par les mauvais vents de la mode, peintures d'impie qui envahissent les cathédrales aux murs lisses comme est lisse la cohorte de ces créateurs de vide..." disait son ami Paul pensant comme Bacon qu'une peinture qu'on peut voir en famille ne tient pas au mur, glisse et s'étale au sol s'y mêlant à la poussière, puis piétinée s'accroche aux semelles et prend la sortie. " C'est l'accord entre muscle et pinceau qui compte, le reste n'est que pensée..." continuait-il " Et ce que je pense de la pensée..."

mercredi 27 avril 2011

" Des marqueteurs..." disait son ami Paul, " Des orfèvres, pinces délicates au bout des doigts et vas-y de la douce métaphore, de l'image fragile, des poètes à la précipitation d'animal craintif..." continuait-il pensant aux journées de Gustave Roud, à celle de Maurice Chappaz, à leur calme helvète qu'aucun grisou ne trouble. " De la marqueterie, de la dentelle à pleines pages... Cela nous préserve des rugueux romanciers familiaux aux doigts saturés de ciment prompt."

samedi 23 avril 2011

"Le bateau du charcutier n'a pas quitté Vix, son chargement de cochon ne prendra pas la mer..."disait son ami Paul, " Et Gaston de tempêter, d'en faire un déluge, de maudire la Palestine et les charcuteries en grand philosophe chercheur de champignons ..." continuait-il traçant négligemment sur la table la frontière si fragile de la dite Palestine, y allant du Nord au Sud sans barguigner. " C'est le titre qui pervertit la peinture, qui la met sur les mauvais rails, l'égare. L'aurait intitulé la nef des fous, le tour était joué, la bible regorge de marioles..."

mercredi 20 avril 2011

"Toutes voiles dehors "poémes bleus" fend les flots, découpe les hautes vagues et respire des tonnes d'air marin. Turner y lâche quelques lavis, ça gronde et ça dodine, sans trêve et sans ménagement. Le marin lève les yeux cherchant dans les nuages sales une forme animale qui changerait son destin, un signe d'en-haut, une révélation...Il tient la barre, trace sa route. Perros s'y connaissait en bars, et en rhum, s'accrochait à son rêve, à sa Bretagne... N'aurait jamais imaginé que ses poèmes appareilleraient un jour pour se dire dans l'océan.

mardi 19 avril 2011

Tout pourrait se résumer à l'attente de Bram, sur sa chaise inconfortable, les mains aux tempes, fort des paroles amies, décousues, qui, fortuitement se sait dépositaire d'une histoire qui ne lui appartient pas, ne le regarde pas et qui, pourtant d'un jet, l'écrira en coulures grises sur un mur sourd à sa souffrance.

samedi 16 avril 2011

Michaux prétend que le taximêtre a été inventé par un chinois, peuple au génie bricoleur légendaire. Fit-il cette supposition dans le simple but d'opposer ce pragmatisme mécanique à l'océan de sagesse dont Confucius fut l'alizé toujours soufflant, le sage des mers d'huile? Ou bien, prémonitoire supputait-il l'envahissement de nos contrées par ces médinechina qui nous déconcertent? Impressionné par leur habilité à résoudre les équations à belles inconnues le Wallon se demandait toutefois pourquoi ces grands maîtres de l'algèbre n'avaient pas inventé l'oniromêtre.

vendredi 15 avril 2011

"Un visionneur, écrivant avec des morceaux d'images qu'il assemble au hasard, sans logique, à la Monk,les uns sautant au visage, les autres se pavanant au soleil de Big Sur..." disait son ami Paul péchant dans l'eau limpide des pages de Brautigan. "Ecriture jamais en reste d'illustration, pointe jamais en cale-sèche, de l'impressionnisme qui n'en rajoute pas..." Whiskey? s'interrogea-t-il un instant " Comme s'il avait disposé un rideau entre le monde et lui, quelque chose de léger et de transparent, la page où s'écrivaient ses pensées."

jeudi 14 avril 2011

Sa pensée s'étirait, élastique. Il déformait les mots, écartait les impossibilités. Cette dilatation lui permettait toutes les audaces, il balayait les concepts comme moutons sous une armoire.

mercredi 13 avril 2011

C'est animal qu'il sait être, insecte en vérité, volant de fleur en fleur, bruitiste. Insolent, profitant du moindre soleil pour s'en faire une ombre, un domaine. Toujours sous la menace d'une fin soudaine, d'un écrasement rageur, il sait la brièveté de son existence, il en connaît le fil hasardeux.

mardi 12 avril 2011

Voir sa peinture dans le noir ou en fermant les yeux. Ainsi fait le peintre dont la tâche n'est que de prendre de vitesse la tombée de la nuit, urgence qu'il provoque tant son attente dure au point de suspendre tout mouvement, toute initiative l'éloignant de sa vérité. C'est alors que la nuit remue, barque sans marin qui conduit ses passagers sur des fleuves aux flots sombres comme des manteaux, mouvement de la nuit où le peintre puise l'énergie qui sera sa peinture.
Vient enfin le philosophe, les ocres de Rembrandt, ses rouges de viande et la lumière qui est le salut, l'ultime raison de continuer.

dimanche 10 avril 2011

"Ce que dit Cioran du Dor, a le mérite de prévenir le voyageur en partance pour Rasinari de se méfier de ce mauvais vent transylvanien qui charrie ennui et mélancolie, deux des mamelles de la décomposition..." disait son ami Paul " charroi qui tel un sale nuage de particules radioactives se dirige vers l'ouest, perdant peu à peu de sa vigueur mais conservant quelques miasmes dont l'inhalation a de morbides conséquences." Un dé de tokaj plus tard, son ami Paul continua " c'est sans compter sur la vigilance de quelques sentinelles bretonnes qui, déjà pourvues en matière de mélancolie et autres papiers collés s'empressent de retourner à l'envoyeur ce nuage dont elles n'ont que faire."

samedi 9 avril 2011

"Ce qui rapproche Beuys de Pessoa, c'est le costume, la constance de la vêture qui fait qu'au premier coup d'oeil on les reconnaît. Pas question de prendre l'un pour un banquier fût-il anarchiste ni l'autre pour un caporal fût-il épinglé..." disait son ami Paul feuilletant le livre de l'intranquillité qu'il avait de chevet, y trouvant réconfort à sa mélancolie lointainement lusitanienne. " Ce qui les éloigne, c'est la chaussure " continuait-il "escarpins de l'un, gros sabots de l'autre, l'un gambadant à quelques centimètres du sol quand l'autre patauge dans la neige sale..." Un doigt de porto plus tard, son ami Paul ajouta "La grâce du phalène pour l'un, la laideur du coyote pour l'autre."

jeudi 7 avril 2011

Retrouver le limpide, le confort de la transparence et ouvrir tous les verrous, se perdre au fil de l'eau comme radeaux de débris flottants, disputer le fleuve aux barques insensibles, en finir avec l'opaque, tracer enfin ce grand canal qui ne s'embarrasse d'aucune rive, filer doux avec les poissons... On se cogne aux palplanches, s'écorche à ce mauvais bois que l'eau rend plus mauvais encore, on est en pleine panade, en pleine noirceur, il s'agit de reprendre pied, de quitter cet enfer pour d'autres inexprimables lieux.

mardi 5 avril 2011

"Ce qui marche avec Wilde ne fonctionne pas avec Bram..." songeait son ami Paul, " dans le premier cas Dorian vieillit dans son cadre, grisonnant au fil des jours, accumulant les rides pour finir courbé et souffreteux tandis que c'est Bram qui vieillit devant sa gouache immuable semblant suspendre le temps au fil des coulures, prolonger l'attente jusqu'à l'impensable puisque c'est dans ces contrées que Bram se sent bien. Il attend, laisse filer les heures. Sans hâte il construit un monde à sa mesure où se confondent les minutes et les jours, un monde dolent où les ombres s'allongent avec précaution, où les cadrans sont inutiles." Revenait à son esprit un dialogue de Sam où se vantait la force d'expression dudit Bram ainsi que, ce qui ne gâte rien, sa soumission à l'échec. Pas de quoi fouetter l'Oscar qui pourtant n'en demandait pas tant.

lundi 4 avril 2011

"Foutaises, foutaises patentées..." y allait son ami Paul d'un noble courroux qu'aucun sauvignon n'adoucissait tant était térébrante son ire, banderilles dans le rable, mouche insistante sur la joue du dormeur, conversation de cacostome, marre de tous ces pèse-nerfs se disait-il , autant s'enfiler un verre de plus et, basta, de supporter l'insupportable..." où en étais-je? " s'interrogea-t-il..." semblerait que le navrant Mourir m'enrhume serait de Malone meurt le rejeton irrespectueux, la sanie sur papier blanc ( papier identique qui pis est à celui qui fut utilisé en son temps pour y coucher Malone et autres Macmann aux yeux fixes de mouette) commise par vagant de hautes mers ..." Ah reprendre son souffle maintenant, retrouver la barque , le calme de l'onde jusqu'à ce qu'ennui s'ensuive " Intertexte me dira-t-on, intertexte pourquoi pas massepain, âme vomie et agonie de bijumeau..." acheva son ami Paul serrant comme missel son Malone contre son coeur.