mardi 31 mars 2009

Pas de café sans ses habitués, pas d'habitués sans la lancinante musique des propos de comptoir, florilège de l'emporte-pièce et du péremptoire. Son ami Paul reportait chaque jour sur un carnet les phrases entendues au "Marronnier" qui lui semblaient dignes d'intérêt. Ce triste recueil qu'il aimait lire comme se lit un bréviaire  lui était comme un journal extime, une occupation de paresseux. Aussi songeait-il que sans autant de paresseux , son carnet n'aurait pas été si rempli. On n'explique pas ainsi un peuple, comme disait un ami belge, pas plus qu'un homme. Juger ses semblables à la lumière de leur obscure substance ne mène à rien, tout juste au bord du gouffre où se perdent quelques modalités de leur être intérieur. Eviter d'être important, de se croire plus grand que nature, ainsi pensait son ami Paul que la vanité excédait et que la bassesse révoltait. Un quichotte d'inutile cavalcade, un rétrograde s'entendait-il dire quand les pages de son carnet l'affligeaient un peu trop. Symptôme évident d'un trop d'herbe dans la tête quand un arbre aurait suffi.  

samedi 28 mars 2009

"Bon" dit son ami Paul, " ce Jack Unterweger n'aurait pas déparé dans le précis. Etrangler une jeune fille avec son soutien-gorge ou forcer une mouche à s'évader d'une bouteille à mouches, projeter un voyage en Palestine ou à Prague, quoi de moins futile, de moins organisé... Une histoire de pilules de cyanure, une histoire sans limite, une histoire de coin du feu où on entend la petite musique de Wittgenstein, ce qu'on ne peut pas dire il faut le taire, et puis, reste le précis qui se lit avec un profond accent roumain, un accent d'ange déchu en route pour le pire..." Le garçon, profitant de l'heure creuse y alla d'un "mmmh" auquel il ajouta, levant les yeux de la grille de mots croisés sur laquelle il séchait lamentablement: " en 13 lettres commençant par décom, kama sutra de la pourriture...? je vois vraiment pas... " " Cher ami" proposa son ami Paul " la lecture avisée des chroniques littéraires d'hyma la hyène plutôt que celle de vos feuilles de chou ridicules où s'étalent en première page les piètres trophées des dératiseurs que vous adulez aurait pu vous aider en la matière mais hic jacet cette chance que vous n'avez pas saisie et... " pression" hurla le garçon "décompression!" "A ce propos" tonna son ami Paul          " deux sauvignon et sans faux col! "  

jeudi 26 mars 2009

"Du concept au lyrique, il n'y a qu'un pas..." lui disait son ami Paul devant la reproduction multichromique d'une piètre installation exposée dans un rutilant et coûteux centre d'art, modèle actuel d'éponge à subvention et désormais unique parangon du soufflé culturel." L'art se résume à un permanent retour d'ascenseur tant tout ce ragoût plane au raz des pâquerettes. Mais tout ceci n'a d'importance que celle que lui donnent les thuriféraires de l'art d'aujourd'hui, messieurs Jourdain de la palette et du pinceau..." continua son ami Paul " ah!  le triumvirat Buren-Raynaud-Christo, qu'on plante les colonnes du premier dans les pots du deuxième, que le troisième emballe le tout et qu'on jette cette énorme pompe à fric dans le canal! " termina son ami Paul portant aux commissures la paroi légèrement dorée de son verre de sauvignon, satisfait de ce règlement de compte dont la portée ne dépassait pas les limites étamées du guéridon étalon où se posait son verre et où, parfaite mise en abyme, trônaient quelques bretzels.  

mercredi 25 mars 2009

Le chat Sigmund, le chien Lacan, qui rognant un os, qui un piaf, hésitaient avec le chien Platon, que la voracité aveugle de ces deux coreligionnaires agaçait vraiment, sur la pertinence à introduire du non-être dans l'être, concept fumeux un temps évoqué par le piaf Parménide présentement croqué par Sigmund tandis que Lacan, le petit os en gueule, marmonnait à l'intention du poseur Platon: " le non-être, ch'est plutôt de l'être dans un autre chens " Ce qui provoqua chez le basset un courroux bien compréhensible tant sa compétence était ainsi mise en doute. La tension était à son comble quand, un sac de savoureuse charcuterie à la main, passa le réputé docteur Pimply. Ce qui fit dire au chien Platon: "Et si le non-être était et qu'il soit ce savoureux boudin que son fumet rapproche?" Le chien Lacan, piqué au vif, rétorqua que le boudin n'était que par son eau, à quoi le chat Sigmund, bréchet aux lèvres, ajouta: "et la chauchiche?"     

mardi 24 mars 2009

"La littérature d'aujourd'hui..." disait son ami Paul, " un ramassis de maximes de commis voyageurs ..." Se réfugiant bientôt dans un molloyen mutisme, il mesurait la portée de son jugement, souriait et ajoutait: " ayant loupé le train..." rendant ainsi un discret et pingetien hommage qui suffit à lui redonner une soif que la simple pensée de ces pisse copie avides d'une notoriété de patronage avait soudainement tempérée. " garçon, deux sauvignon sur leur lit de bretzels! " demanda -t-il espiègle. " Trop de vraisemblable dans ces romans familiaux, trop d'hommes debout. On y souhaite un peu plus d'avachi, de contraint..." continuait son ami Paul ayant pris la pose du critique qui sait et qu'on écoute. Après une goulée d'apostrophe, il termina " Le plus désespérant, c'est qu'on a plus le courage d'écrire mal."    

dimanche 22 mars 2009

"L'hibernation de la marmotte,voyez-vous" lui disait son ami Paul "l'hibernation infinie, après que, lancé à la vitesse de la flèche, l'être intérieur, comme une taupe rentre au terrier, tête dans les épaules, ayant perdu ses limites, décidément laborieux ..." Un trait de sauvignon vite avalé, son ami Paul reprit: " Toujours au bord de la rature..." Son ami Paul fermait les yeux, se rapprochait des contrées que le survoltage des meidosems rendait plus lointaines encore. Il tenait la main de Michaux et faisait confiance à ce guide sans boussole. Il se souvenait d'un proverbe où il était question de pommes et de verger sans exactement pouvoir le citer, mais ce flou de gréviste suffisait à barrer son visage d'un curieux sourire l'éloignant sans pédanterie des palissades de l'homme sans moyens. Le garçon, paternaliste et mielleux, ce qui," avouez le" lui souffla son ami Paul "charge un peu trop la barque" s'enquit d'un manque évident de bretzels et dans la foulée, qu'il avait aérienne, corrigea le vide de quelques unes de ces formes d'infini et salées.      

samedi 21 mars 2009

Son ami Paul ne décolérait pas. Il venait de recevoir un courrier au demeurant plein d'espoir envoyé par les ateliers Disney, du nom de ce grand malfaiteur de l'humanité que les Nobel auraient bien fait de récompenser par un prix de la honte bue jusqu'à la lie, dans lequel ceux-ci proposaient à son ami Paul, eu égard à sa grande expérience cinématographique ( ne fut-il pas Marguerite dans ce peplum couard et champêtre que le monde entier nous envie?) d'interpréter le héros lamentable du roman lamentable dont le titre, "elementary particle" évoquait à son ami Paul l'identité d'un triste poseur peu avare de cacahuètes. " Rendez-vous compte" dit son ami Paul après une salutaire et anxiolytique gorgée de sauvignon, "ces ateliers si peu recommandables ajoutent dans un sabir  impérialiste que , je cite, notre héros donald duck serait votre partenaire puisque le nom de l'écrivain "where is the beak?" semble imposer sa présence à vos côtés" Absorbant non sans brutalité une lampée de sauvignon, l'ex-futur nominé fulmina
 " jouer avec ce cabot de palmipède et finir au poulailler, trés peu pour moi! " Passa alors le garçon, chargé de quelques verres de sauvignon et songeant à son futur séjour "trois jours-deux nuits" au pays merveilleux du débile aux grosses oreilles noires.   

jeudi 19 mars 2009

"Cher ami" dit l'amie de son ami Paul"je vais chez le plombier, je reviens de suite."Propos étranges qui eurent le don de surprendre son ami Paul, qui leva les yeux de son Malone en rétorquant: "le plombier?" L'amie de son ami Paul haussa les épaules et dit: "Etant donné que nous avons ready-made au programme, je ne pensais pas avoir à vous donner d'explication à propos de ma visite chez le plombier, votre culture artistique aurait du m'en dispenser..." "mmmh" répondit son ami Paul, " Parler art avec un béotien, autant parler préservatif avec un pontife..."continua l'amie de son ami Paul" Vous connaissez Buffet, certes mais Duchamp point..." Prenant acte de cette remarque et des propriétés diurétiques du sauvignon, son ami Paul reprit son Malone retenant ses instincts meurtriers et son désir d'urinoir.  

dimanche 15 mars 2009

"Docteur" disait son ami Paul au réputé docteur Pimply " vous ferrez le poisson de malheur dans les abysses de nos refoulements, vous êtes pêcheur d'Islande ou d'ailleurs, vous surveillez le bouchon que nous poussons un peu loin, nos âmes sont toujours à l'heure, nous sommes nus comme le ver qui se tortille au bas de votre ligne..."D'au delà du divan provenait la respiration hachée du réputé docteur Pimply, qui soudain se réveilla, tourna fébrilement le moulinet, agitant frénétiquement sa canne, tendant l'épuisette et hurlant"j'en tiens un, moussaillon" tandis que, sur le divan, son ami Paul, muet comme un banc de carpes, tentait de s'extirper des mailles du filet jeté par le réputé docteur Pimply (Tracy?). Au prix de reptations habiles son ami Paul s'échappa enfin, et, trempé comme l'espadon, quelques algues lui couvrant le chef, il s'écria en passant devant la secrétaire du réputé docteur Pimply, après avoir craché quelques alevins gobés au hasard, " N'ouvrez surtout pas la porte, vous finiriez dans l'épuisette comme vulgaire friture..." Regardant mélancoliquement les traces mouillées des pas de son ami Paul lentement absorbées par l'épaisse moquette, celle-ci replongea dans la lecture de son magazine où il était question des lunettes et chapeau noirs d'un artiste au nom d'éternuement. 

samedi 14 mars 2009

Bram disait que le trait conduit là où la main sait. Ce chemin souvent emprunté, sa sainte sente, disait-il, n'avait de limites que celles de la feuille de papier blanc qu'il haïssait. Haine raisonnable, pourtant, aiguillon que le batave empoignait pour sortir du trou que la misère avait creusé. En face de son bureau, Sam avait accroché une toile de Bram, comme on accroche une bouée à la coque du navire. Les mots de l'écrivain se mélangeaient aux couleurs du peintre puis tout se séparait, chacun reprenant ses billes. Comment expliquer autrement une telle amitié? Deux ou trois billes dans la poche et vogue le navire. 

mardi 10 mars 2009

"J'essaie de fabriquer un peu d'ordre..." disait son ami Paul reprenant pensivement ces mots proférés par Clov ramassant les objets épars qui sont sa vie, celle de Hamm aussi et qui, plus est, celle du chien des susnommés. " Sans oublier le régiment de dragons..."continuait son ami Paul de plus en plus pensif." C'est que le propos est limpide et sans ambiguïté, le désordre et le mal ne font qu'un, les dragons surgissent, l'aspérité s'éloigne, bienfait d'une rigueur à laquelle le grand Sam s'adonnait entre deux dommageables et copieuses rasades d'un excellent whisky..." bougonnait son ami Paul mâchonnant un bretzel. "Parabole imparable, digne du meilleur des évangiles..." marmonnait son ami Paul enfin rasséréné d'une bienfaisante goulée de sauvignon.
"Du bréviaire de première bourre..." 

vendredi 6 mars 2009

Le chien Lacan occupé à déguster la palette à la diable habilement subtilisée au réputé docteur Pimply ignore le chat Sigmund qui, sur le divan hésite entre signifiant et signifié puis enfin décidé rejette toute idée de réhabilitation de l'os de poulet. Tout semble calme, son ami Paul est plongé dans Malone, l'amie de son ami Paul compte ses gommettes, le monde quand il ne dit rien de neuf n'effraie que les angoissés...Le chat Sigmund guette les moineaux, le chien Lacan se lèche les babines, ne leur manque que la parole, bref la routine... Passe un étrange épagneul, un peu poseur avec pedigree."... représente-toi des hommes dans une sorte d'habitation souterraine en forme de caverne..."dit-il en ne se prenant pas pour le dernier des cabots. Le chat Sigmund lâche ses moineaux, le chien Lacan sa palette, le monde s'arrête . Son ami Paul trouve à l'air une étrange densité comme s'il durcissait et prenait consistance."les hommes sont dans cette grotte depuis l'enfance, les jambes et le cou ligotés..." continue le poseur, le chien Lacan ose un bâillement, le chat Sigmund ferme les yeux, les humains itou.
Le voisin de son ami Paul par la fenêtre entrouverte: "n'auriez pas vu Platon ?""Platon?" interroge son ami Paul, "mon chien Platon ,un épagneul  un peu poseur..."   

mardi 3 mars 2009

"Sam se fout de la syntaxe"disait son ami Paul"il décide d'utiliser les phrases qui nous ferons endêver, plaisir de cet homme de grande connaissance.Il déshabille peu à peu l'écrit jusqu'à ce qu'il se transforme,maigrisse,sèche,se désincarne."D'une salutaire gorgée de sauvignon il fit une virgule, puis reprit:"une élégance à rapprocher de la perfection de l'os de poulet..."Son raisonnement,semblait-il lui échappait comme poulet craintif fuyant le renard, il continua néanmoins:"la phrase de Sam traversera le temps, elle restera os témoin de son génie... Rien à voir avec la chair grasse et indigeste de tous ces écrivaillons avides de la reconnaissance des aveugles bornés qui font la littérature d'aujourd'hui... L'os de Sam est l'astre parfait, lune ou soleil qu'importe, cet os est là et il nous éclaire..."Son ami Paul leva son verre, astre vide et  scintillant qu'emplit bien vite le garçon empressé."Je ferai deux remarques"ajouta son ami Paul"la première, le moindre os de poulet jeté par notre bon Sam brille comme le plus précieux des diamants, que dire alors des boulets de charbon que nous imposent ces pisse-copie dont la sombre matière s'entasse à l'éventaire des librairies..."Silencieux désormais son ami Paul se réfugia dans la contemplation de son verre de sauvignon."Et la deuxième?" osa-t-il extirpant son ami Paul de sa rêverie."mmh"répondit son ami Paul"et si on mangeait un croque,n'avez pas faim,vous?"  

lundi 2 mars 2009

"Ce Soulages" disait l'amie de son ami Paul,"un peu facile, bitumer des grandes toiles, pourquoi pas exposer des trottoirs?" pérorait-elle en copiant avec une certaine adresse la carte postale envoyée depuis les Canaries (une vue de la plage où éclosent quelques parasols inutiles) par le serveur préféré de son ami Paul."Et puis, ça fait cher le mettre carré de goudron..." continuait-elle tandis que son ami Paul serrait convulsivement son Malone. "Pourrait peut-être exposer sur une aire d'autoroute, une mise en abîme très cher..." dit-elle en plaçant guillerettement quelques quartiers orangés sur les parasols éclos sur la plage qu'un jaune de Naples séparait de l'outremer étalé là où il se devait. Son ami Paul, lâchant Malone, dit à son amie d'un ton mielleux mais également légèrement excédé: "Très chère, savez-vous que Soulages n'a jamais réussi à dessiner un parasol ?" "J'en étais sûre !" dit-elle pendant que son ami Paul retrouvait les pages sans soleil de son Malone.